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Le WMF, les “Monuments Men” de l ’UNESCO

 

 

Depuis cinquante ans, l’UNESCO oeuvre pour préserver les monuments en péril du monde entier. Limitée financièrement, l’organisation internationale a su s’accompagner d’alliés très précieux. Comme le World Monuments Fund, capable rapidement de soulever des fonds importants et de se mobiliser avec efficacité sur le terrain.

 

 

Eté 2015. En l’espace de quelques mois, Daesh détruit plusieurs joyaux de Palmyre. Après les temples de Baalshamin et de Bel en août, les tours funéraires de la cité antique sont réduites en poussière début septembre. L’UNESCO dénonce alors «un spectacle d’une perversité glaçante». La communauté internationale, elle, est sous le choc.

 

Cela fait des années, pourtant, que l’UNESCO milite pour préserver le patrimoine mondial. En raison de l’escalade de la violence dans la région syrienne, l’organisation place en 2013 les vieilles villes de Palmyre, de Bosra et de Damas sur sa liste des monuments en péril. Depuis 1989, l’UNESCO a récolté un peu plus de 300 000 € (358 800 $) d’assistance internationale pour le patrimoine syrien (le détail de cette somme apparaît dans ce document). Une somme dérisoire lorsque l’on sait que 17 photos satellites - nécessaires pour appréhender le terrain - coûtent la bagatelle de 100 000 $ (93 000 €).

 

 

 

 

 

La Syrie constitue une infime partie du projet de sauvegarde de l’UNESCO qui, pour mener à bien sa mission “universelle”, a su s’entourer de nombreux partenaires. Et ce, dès le 2 décembre 1966. L’UNESCO lance alors une alerte pour sauver les œuvres détruites à Florence et à Venise lors des inondations survenues en novembre. Depuis, une organisation privée américaine à but non lucratif ne la quitte plus d’une semelle : le World Monuments Fund (WMF).

 

Cet allié précieux accompagne l’organisation internationale dans ses principales tâches. “Le WMF a pour vocation de stimuler la générosité, de collecter des fonds, d’intervenir sur place en tant qu’opérateur et l’UNESCO joue (plutôt) un rôle de coordination, de contrôle même”, explique Julien Guinhut, qui a travaillé dans les deux organisations avant de rejoindre la Fondation du Patrimoine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Main dans la main

 

Il faut attendre 1978 pour que l’UNESCO mette en place une liste des patrimoines culturels et naturels menacés par les conflits armés et l’érosion. Près de vingt ans plus tard, en 1996, le WMF lance de son côté une liste bisanuelle, la World Monuments Watch (ou Watch), où figurent 100 bâtiments parmi les plus menacés au monde. “Elle ne devait pas être permanente, précise Lisa Ackerman, vice-présidente du WMF. Il s’agit de mettre en avant des sites, puis de constituer une nouvelle liste tous les deux ans afin d’accroître la sensibilisation.”

 

Les relations entre l’UNESCO et le WMF débutent officiellement en 1993. Depuis, leur partenariat est régulièrement renouvelé et un accord les lie pour l’instant jusqu’en 2020. Le président et certains membres du Centre pour le patrimoine mondial de l’UNESCO ont participé en 1997 et en 1999 au jury de sélection de la Watch. Le Centre a également soumis des candidatures à la liste du WMF. “Il arrive parfois que l’on identifie les biens qui sont sur leur liste et que nous fassions un rapport que l’on présente au comité du patrimoine mondial”, indique Richard Veillon, responsable de projet à l’UNESCO.

 

À l’inverse, un délégué du Centre siège au jury de sélection de la Watch depuis 1996, bien qu’"aucun accord formel" ne l’exige explique la vice-présidente du WMF Lisa Ackerman. Son organisation contribue, à la demande du Centre, à l’élaboration de certains rapports sur l’état des biens de la Liste du patrimoine mondial. Le WMF a ainsi inclus 60 sites de la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO sur les Watch 1996 et 1998. 22 de ces sites - dont les palais royaux d’Abomey (Bénin), Angkor (Cambodge) et la vieille ville de Dubrovnik (Croatie) - ont bénéficié d’un appui financier dans le cadre de ces programmes.

 

"Nous n’avons jamais donné d’argent à l’UNESCO"

 

Le WMF, grâce à l’appui de nombreux contributeurs privés dont American Express, récolte entre 15 et 25 M$ par an (entre 14 et 24 M€), comme en témoigne une facture de l’organisation datée de février 2014 (voir ci-dessous). “Notre argent va directement aux projets, affirme Lisa Ackerman. Nous ne devons rendre de compte à aucun pays et nous n’avons jamais donné d’argent à l’UNESCO.” Ce qui ne l’empêche pas de participer à l'Initiative de conservation du patrimoine irakien menée par le WMF et le Getty Conservation Institute. À Angkor, en revanche, le WMF a développé au début des années 2000 “un plan de conservation”, sans l’aide de l’UNESCO.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En tant qu’organisation privée, le WMF est beaucoup plus réactif que l’organisation internationale qui doit, elle, batailler pour obtenir l’accord de tous ses États membres. “Le WMF est en mesure de débloquer les fonds que l’UNESCO n’a pas, concède Youmna Tabet, de l’Unité des Etats Arabes du Centre. L’assistance internationale est de l’ordre de 700 000 $ (650 000 €) sur deux ans.” Un tiers de celle-ci est alloué aux sites en péril, le reste à la création de dossiers. “Par contre, ajoute-t-elle, on a une capacité de sensibilisation et de mise en œuvre.” Comme en témoignent les 2,46 M€ débloqués par l’Union Européenne pour la création, à Beyrouth, d’un bureau chargé de surveiller et de documenter la situation du patrimoine culturel en Syrie.

 

 

 

 

 

 

La Watch s’est inquiétée du patrimoine de cette région bien avant l’UNESCO. Alep et Damas intègrent la liste du WMF dès 2002, et Bosra dès 2004. Mais, depuis 2009, le WMF n’est plus présent sur le terrain. “Nous avons achevé nos projets en Syrie avant les récents problèmes avec Daesh”, précise Lisa Ackerman. En l’espace de sept ans, 1,5 M$ (1,4 M€) ont été récoltés pour préserver la citadelle d’Alep, le château de Shayzar, le site archéologique d’Amrit, les cités d’Urkesh et de Cyrrhus et le tombeau des trois frères de Palmyre. Soit cinq fois plus que les 300 000 € d’assistance internationale récoltée par l’UNESCO entre 1989 et 2007.

 

Désormais, l’intervention du WMF est limitée à la promotion du patrimoine et à l’aide sociale. Le 15 octobre 2015, la Watch 2016 est dévoilée. Surprise : la Syrie n’y figure plus. “Nous avons jugé qu’il n’y avait pas de bonne candidature syrienne et que nous avions déjà tout dit lors du dévoilement de la Watch en 2014”, justifie Lisa Ackerman. La Syrie a en réalité intégré, aux côtés de la Libye, du Yémen et de l’Irak, un ensemble appelé “le monument anonyme”. Une manière de signaler que la crise dans cette région est devenue si instable que le patrimoine de tous ces pays, sans exception, est en danger. Une manière, aussi, d’avouer son impuissance à soutenir l’UNESCO dans cette zone de conflit.

 

(Notre base de données ici.)

 

"Stimuler la générosité, collecter des fonds, intervenir sur place"

"Nous avons achevé nos projets en Syrie avant les récents problèmes avec Daesh"

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